Aujourd’hui, nous avons le plaisir d’accueillir un article invité pour nous parler d’un ouvrage hors du commun : Le voyage de Kirikoustra. Bonne lecture à tous L’équipe de Nualiv |
Ce que vous vous apprêtez à lire aura la prétention de se vouloir toujours être entre la chronique et la critique littéraire en tentant autant que faire se peut, de ne jamais sombrer dans l’avis purement simpliste du « Moi j’aime (pas) ».Si avoir la prétention d’une chose n’est pas une garantie en soi, elle sera au mieux un garde-fou et au pire une motivation.
Ceci étant dit, justifions de manière convaincante notre opinion sur l’ouvrage.
Présentation de l’objet
Titre : Le voyage de Kirikoustra
Sous-titres : Livre Premier
Volume : 1/?
Auteur : Kirikoustra
Format : Broché
Nombre de pages : 71
Genre : Aucun définit par l’auteur
Maison d’édition : Aucune (autoédition)
Présentation de l’auteur
Après avoir tenté quelques recherches sur ce dit Kirikoustra, rien ne semble transparaître. En cette époque où tout se sait, où tout se voit et tous sont vus, Kirikoustra demeure un mystère « médiatique ». Pas la moindre photo ou la moindre indication sur son âge ou autres informations personnelles. Tout ce qui se sait de lui c’est ce prénom (pseudonyme ?) qui n’est pas sans rappeler un certain Zarathoustra. Notons par ailleurs que le personnage aux cœurs de l’ouvrage se fait également appeler Kirikoustra (biographie ? Si tel est le cas, nous devrions en apprendre davantage pendant notre lecture)
Les bases maintenant posées, par où commencer ?
Peut-être par ce qui nous saute aux yeux en premier lieu, c’est-à-dire la couverture.
Que dire de cette dernière si ce n’est qu’elle est tout simplement horrible !
Mis à part le titre (Kirikou ou Zarathoustra ?) qui a le mérite d’être en clair, le reste n’est qu’approximation. On peine à distinguer ce qui semble être un visage qui n’est pas sans rappeler la pose du penseur de Rodin, mais celui-ci est si disproportionné, si allongé qu’il en devient risible. La quatrième de couverture, quant à elle, est des plus sobres se contentant d’un simple texte qui, à défaut de donner envie au lecteur, évoque une nouvelle fois cette référence à Zarathoustra en reprenant le fameux « ainsi parlait Zarathoustra ». Aucune page n’a encore été tournée que nous voilà déjà en présence de plusieurs références à l’univers de la pensée. À ce stade il paraît assez évident que nous nous dirigeons vers un genre plutôt voisin de tout ce qui a trait à la réflexion…
Avant notre lecture
Il est temps, découvrons ce qu’a à nous offrir le voyage de Kirikoustra
Reconnaissons avant tout que la découverte ne se fera pas sans a priori, car pour peu que l’on connaisse les références citées plus haut, notre esprit sera plus ou moins conditionné à accueillir ce que notre cerveau, lui, aura anticipé (bon point ou pas ?). C’est donc avec tous ces préjugés (Kirikou, Zarathoustra, penseur de Rodin) que nous aborderons l’ouvrage et d’ores et déjà, contrairement à l’auteur, nous lui assimilons un genre ou du moins une parenté…
Pendant notre lecture
Le lecteur que nous sommes est avant tout interpellé par la forme avant même d’entrevoir le fond.
Oui « Le voyage de Kirikoustra » revêt une forme assez étonnante au sens propre du terme. Au-delà de toute appréciation (subjective) de celle-ci, nous remarquons sa singularité. Avant-propos dissuasif, sommaire, histoire principale entrecoupée d’intermèdes, présence de deux styles littéraires complément différents… Voilà comment se décompose cet ouvrage dans la forme, donc sur ce point il vous surprendra assurément et chacun y verra le bon ou le mauvais selon son goût, mais une chose est sûre, Kirikoustra sur la forme se veut original !
Rappelons que l’originalité, si elle est souvent saluée, peut tout aussi bien être décriée quand elle n’est pas maniée avec habileté.
Alors, bonne ou mauvaise idée que cette originalité sur la forme ?
Afin de respecter notre postulat de départ qui veut nous éviter de sombrer dans le « Moi j’aime (pas) » simpliste dénué de tout argument convaincant, notre avis vous sera donné plus loin dans la chronique/critique. Oui même si la chronique/critique est une présentation subjective d’une opinion, elle se doit de reposer sur un argumentaire solide.
Seule la lecture du tout pourra donc nous apporter des éléments (la forme est-elle un frein à la lecture ?) nécessaires et peut-être suffisants.
Passée la surprise de la forme, qu’enest-il du fond ?
Si le titre nous laissait présager un voyage, celui-ci ne se fera qu’à travers ce qui semble être les pensées de Kirikoustra, ou encore au cours de courtes histoires dans lesquelles Kirikoustra se raconte. Pour ce faire, il sera accompagné de la bien nommée Plume, qui comme son nom l’indique, sera le scribe de leurs aventures.
À cette trame principale, si trame principale il y a, viennent s’intercaler les fameux intermèdes évoqués plus haut qui, en plus de sortir vraiment de nulle part, adoptent un style complètement différent.
L’histoire principale, dans sa forme, nous remémore ces temps pas si lointain où se disputaient ces joutes verbales avec leurs envolées lyriques. Les intermèdes eux, seront plus contemporains avec un style assez neutre, mais sans doute plus percutant car très direct.
Sans vouloir trop en dévoiler afin de ne pas gâcher la lecture de vous autres qui déciderez de vous le procurer (ou pas), les intermèdes s’adressent directement aux lecteurs en l’interpellant sur des faits de société qui ne le laisseront pas indifférents.
Ce procédé bien connu, qui fait appel au pathos entre autres, afin de provoquer une certaine émotion chez le lecteur, ne saurait être à lui seul gage de qualité.
Alors si le ressenti et l’opinion du lecteur sont assurément interpellés, est-ce que l’écriture elle, est à saluer ou à déplorer ?
Disons-le tout de suite, rien de transcendantale il faut bien l’avouer. Sur l’ensemble des intermèdes que contient l’ouvrage, 90% de ce qui plaira relèvent de ce qui a été dit, plus que de comment cela a été dit (écrit).
« Utilisez nos services et vous serez optimisés !
Vous êtes à la recherche de la boulangerie la plus proche de votre domicile, nous avons un service dédié et en contrepartie, nous vous proposons l’optimisation « boulangerie » qui sera dorénavant en charge de tous vos besoins de ce genre p.35»
Oui, vous serez avant tout touchés par le fond plus que par la forme, sauf à de rares moments où l’auteur dépasse le but par le moyen.
Entendons-nous bien, il n’est pas dit ici que ces « intermèdes » sont mal écrits, non, mais ils sont juste écrits comme pourrait l’écrire n’importe quel écrivain avec un procédé tout simplement logique où les idées sont amenées, agencées, pour les besoins de l’auteur.
Voilà pour ces intermèdes sobrement intitulés « Chronique d’une société moderne » et qui sont subdivisés en plusieurs parties.
Notons que le terme moderne est peut-être utilisé à tort, car si nous parlons de chronologie historique, le moderne qualifie la période allant de la Renaissance à la Révolution française, l’adjectif « contemporain » aurait été plus approprié.
Méconnaissance du terme employé ?
On ne pourra trancher de façon objective, car souvent, quand ce mot fait allusion à la « société », il marque essentiellement l’opposition avec les sociétés dites anciennes ou traditionnelles…
A contrario des intermèdes qui sont d’une clarté évidente, les parties « Kirikoustriennes », autorisons-nous ce qualificatif, elles, sont plus difficiles à saisir et feront appel à toute l’attention du lecteur.
Mais au-delà de la difficulté de ce qui sera compris ou pas, la prose qui nous est servie dans ces chapitres, est tout sauf indigeste. À quelques paragraphes près, ce qui est écrit l’est de façon raffinée, les mots ici se font instruments et délivre une mélodie agréable à l’oreille. Quand bien même certaines envolées lyriques auront tendance à perdre le lecteur, ce dernier appréciera leur style.
Parlons du style de l’auteur.
On ressent aisément sa volonté d’offrir quelque chose à ses lecteurs, quelque chose dont ils n’ont sans doute plus connaissance et dont ils ne comprennent peut-être plus l’essence…
Kirikoustra, l’auteur, ne se contente pas de se servir de mots pour s’exprimer, non, il essaye, plus bien que mal, d’avoir du style ou un style.
À l’heure où le monde de la littérature semble souffrir d’un conformisme dont il ne sera pas sujet ici, l’auteur du voyage de Kirikoustra, lui, apporte sa touche personnelle qui n’est si personnelle que cela, car bien des auteurs avant lui s’exprimaient de la sorte et même mieux !
Sa singularité réside peut-être dans le fait qu’il soit un véritable anachronisme à son époque, époque dans laquelle tout se vaut et seule la finalité compte. Quand beaucoup se contentent d’aller droit au but, Kirikoustra lui joue avec les mots qui eux-mêmes se joueront du lecteur.
« Altéré par le temps, il ne pourra être ce qu’il a été, pire encore, se voudra vouloir être ce qu’il fut. Et il n’y a pas plus affligeant que celui qui se force à être. La force réside dans l’avancée de l’être et non dans la résistance à ne plus être p.29»
Et quand il ne les triture pas (les mots et les lecteurs), c’est avec tout plein de sous-entendus subtils qu’il propose plusieurs niveaux de lecture à son ouvrage. Pas dans le sens de l’interprétation propre à chacun, mais plutôt dans un exercice où à chaque fois il nous faudra faire preuve de grande attention afin de bien saisir ce qui a été dit ou non-dit, car ces « non-dits » sont ici la base de l’ouvrage semble-t-il.
« Conquérant de terres que vous vous octroyez par la force et par les soi-disant bien–fondés de vos idéaux.
À ce titre, il me vient à l’esprit un certain colon. Christophe se prénommait-il, mais ma mémoire faisant défaut, je ne pourrais me remémorer son nom p.23»
Dans l’exercice, les lecteurs attentifs y trouveront pléthore de figure de style allant de la simple métaphore en passant par l’anadiplose ou encore l’antanaclase qui est utilisée de façon subtile.
« Monsieur, si je ne m’abuse, se trouve être d’utilité publique et qu’en est-il de toi alors, qui pour seul public, n’as que moi ? p.65»
Remarquons toutefois l’utilisation d’un vocabulaire toujours simple et assez courant. Si l’une des volontés non dissimulées de cet ouvrage (en autres) est celui de flatter les mots, cela aurait été l’occasion (manquée) de proposer aux lecteurs quelques raffinements de la langue française qui se perdent. Dommage !
A-t-il voulu être « abordable » ? Quoi qu’il en soit, ce fait est à regretter, car n’est-ce pas là aussi la fonction des (grands) auteurs que de faire revivre ces mots qui se meurent ?
Un autre petit bémol vient aussi gâcher la fête : Les erreurs typographiques.
Après nous être renseigné sur les parutions de l’ouvrage, il apparaît que celui-ci a été distribué dans au moins 7 versions différentes. Chaque nouvelle version tentant de corriger les erreurs de la précédente… Signe d’un grand amateurisme que de ne pas savoir prendre le temps nécessaire avant de mettre à la vente un ouvrage finalisé.
Résultat, de nombreuses erreurs typographiques se retrouvent en l’ouvrage. Et qu’on ne nous hurle pas que cela est dû au fait que l’auto édition bénéficie de nettement moins de moyens que l’édition classique ! Nous sommes ici pour analyser objectivement l’ouvrage et non lui trouver des excuses, et quiconque prétend mettre en vente une œuvre doit s’assurer de sa qualité.
Sans parler de la ponctuation qui n’est pas très précise voire farfelue… Sans doute cette logique d’originalité voulue par l’auteur, mais qui dans ce cas ne respecte pas certaines règles élémentaires.
Assez parlé de la forme et intéressons-nous au fond.
Encore une fois nous ne rentrerons pas dans les détails et ce n’est pas par manque d’intérêt au contraire, mais par souci de préservation de l’intrigue (si on peut appeler cela une intrigue).
Ce qui est certains, c’est que les sujets abordés parleront à tous que vous soyez d’ici ou bien d’ailleurs peu importe, Kirikoustra s’adresse à tout un chacun. Remettant constamment en question notre vision des choses, il pousse le lecteur à une réflexion (de plusieurs niveaux voire philosophique) sur son quotidien. Voilà bien le point commun entre les intermèdes et la trame principale, ce besoin de questionner le lecteur, de le rendre actif pendant sa lecture.
Après lecture
Il est temps de conclure, avons-nous aimé ou pas le voyage de Kirikoustra et, mieux encore, est-il à conseiller ?
Ne tombons surtout pas dans le fameux » Chacun se fera son idée », non la chronique/critique doit se faire affirmer sinon quelle en est son utilité ?
Reprenons les différents éléments
- Couverture
Complètement horrible, image disproportionnée, qualité franchement médiocre
- 4ème de couverture
Des plus banales
- Forme
L’ouvrage se veut original (avant-propos dissuasif, sommaire, intermède, deux styles distincts…) Mais est ce que l’originalité de la forme nuit à la lecture de l’œuvre ? Maintenant nous pouvons affirmer que non, non elle nuit en rien à notre lecture. Si l’avant-propos dissuasif peut paraître comme un effet de style (pour susciter l’effet inverse) à la lecture de l’ouvrage il reflète bien l’esprit qui y règne. Il en est de même pour les intermèdes qui même s’ils n’excellent pas dans l’art de l’écriture, ont la particularité de bien jouer leur rôle d’intermèdes en proposant une espèce de coupure (entracte)
- Le style
Kirikoustra a du style il faut le reconnaître et c’est avec grand plaisir qu’on aime à lire ses envolées lyriques et son maniement des mots qui est une ode à la langue
- Le fond
Très intéressant qui même en ne se basant que sur des sujets de notre quotidien, réussi à nous offrir un nouvel angle de vue que plus personne n’ose prendre
Conclusion
Même si l’ouvrage n’est pas parfait (espérons qu’il soit révisé) Kirikoustra est à lire et même à relire !
Si le monde de l’édition et encore plus celui de l’autoédition se sait souffrir de tous ces maux engendrés par notre société de consommation (tout le monde fait la même chose qui se vend), Kirikoustra nous offre ou du moins essaie de nous offrir ce que toujours on espère en tout art, c’est-à-dire de l’originalité, tant dans la démarche que dans la réalisation.
Les amoureux de la langue, qu’ils soient lecteurs ou auteurs, éternels déçus du chemin que semble emprunter les services éditoriaux, trouveront peut-être ici leur bonheur mais certainement un espoir en ce qui nous est encore possible de proposer.
Tout comme ces peintures qui savent nous marquer même après être sorti de l’exposition ou encore ces films dont on ne cesse de reparler après visionnage, un bon livre doit pouvoir susciter en nous tout plein de réflexions, sentiments, sensations même après avoir tourné la dernière page. Voilà l’apanage des bons ouvrages et Kirikoustra semble avoir ce petit « je ne sais quoi » qui, au sortir de votre lecture, vous y plonge encore. La subjectivité de ce phénomène en fait d’emblée un argument peu recevable, mais étant donné que cela s’est reproduit chez plusieurs lecteurs/chroniqueurs nous pouvons en faire mention ici.
Chronique/Critique rédigée par Kirikoustra
Le 12 Mai 2018 de votre temps